Catharsis quand tu nous tiens
Catharsis quand tu nous tiens :
Photo de Joana Sureau |
Parfois, il suffit de quelques grains de sable dispersés sous les notes claires d’Alice Crémades accompagnées des voix d'un chœur et de dieux tels que Poséidon (Oscar Fernandez) et Athéna (Clémence Kerdaffrec) pour se sentir saisi d'une atmosphère qui s'annonce tragique.
Si pour certains des comédiens de la pièce, il s'agit de leur première apparition sur les planches, on ressent pourtant la cohésion d'un groupe qui a su durant cette heure et demi accoucher d'une représentation aux visages successivement souriant, colérique et touchant. Si le travail sur le chœur fut certainement le plus éprouvant tant il demande une exigence dans son unicité et sa pluralité, on ressent toutefois à certains instants une symbiose dans son accomplissement. Alors que rejaillit dans nos esprits ce cri glaçant venu d'outre tombe d’une des choreutes, il nous rappelle que jamais la pitié inspirée n'est vulgaire dans cette pièce.
L’adaptation de Michel Vinaver souligne avec simplicité la condition des troyennes livrées aux affres de la guerre, mais nous invite à réfléchir tout autant à des thématiques actuelles. Si les Dieux et l'aspect mythologique enrobent le texte écrit, il transparaît dans cette pièce la vulnérabilité téméraire de ces femmes enchaînées par leur condition, il en découle de ce fait un regard éclairé sur la situation qui reste encore aujourd'hui celle de nombreuses femmes. C'est ce qu'a très bien évoqué le dramaturge, sous l'émotion, concernant son travail d'adaptation dans le matériau du Coeur d'Euripide en allégeant la portée symbolique et mythologique du texte original.
Laissez ensuite résonner la voix grave et impérieuse de Maxime Ilou dans le rôle de Talthybios et vous comprendrez mieux l'impuissance de ces femmes arrachées à leur Troie natale. Les portraits successifs des filles d'Hécube et d'Hélène offrent au spectateur des scènes graves dans leur folie avec la chorégraphie déstabilisante de Paola Raoul dans le rôle de Cassandre, comique durant l’échange entre Maxime Laspalles et Bertille Dreuillet respectivement Ménélas et Hélène ou bien encore funeste dans leur douce fébrilité à travers la touchante interprétation d’Amandine Falbo dans le rôle d’Andromaque.
Photo de Joana Sureau |
Mais celle qui porte la pièce dans les atours d'Hécube, Lol Piret, impose un personnage qui dans sa noblesse aura su tout au long du spectacle, avec nuance, composer un rôle puissant en dépit de sa condition d’esclave de guerre. Le choix d’une scène au coeur du public, bien que contraignante pour l’écoute des textes ou la captation de certains moments de la pièce, s’est avérée intéressante notamment dans le parcours scénique du choeur. S’emparer d'une tragédie n'est pas l'exercice théâtral le plus aisé, même pour une troupe aguerrie et rompue à l'exercice, néanmoins les optionnaires d'hypokhâgne malgré les difficultés acoustiques de la salle ont su provoquer dans le public avec sincérité cet état cathartique propre au théâtre grec.
Guillaume Buttin
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