Au cœur des océans, dans les profondeurs de notre enfance

20 000 lieues sous les mers :

Adaptation et mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort 

            Adaptation comique et enfantine du roman de Jules Vernes, le spectacle 20 000 lieues sous les mers de la Comédie Française s'est offert une salle comble la semaine dernière au Théâtre du Nord. Les rires des enfants ont envahi la salle de leurs doux échos auxquels se mêlaient également le ricanement des adultes. Entre les marionnettes et le jeu exagéré et technique des comédiens, les enfants ont été plongés dans un univers haut en couleurs au cœur du Nautilus. 

            Le Capitaine Némo, le professeur Aronnax, Ned Land et Conseil évoluent au milieu d'un décor d'inspiration victorienne au centre duquel trône un hublot. Cette ouverture sur le cœur de l'océan permet un jeu remarquable entre les comédiens et les marionnettistes qui manient les poissons curieux avec habileté. La mise en scène très focalisante de Christian Hecq et Valérie Lesort met donc avant tout en valeur les marionnettes, sûrement grâce à leur passion commune pour ces objets théâtraux. Elles permettent alors un jeu intéressant entre l'objet et l'humain qui n'aurait pas eu lieu si elles avaient été absentes. Elles favorisent le comique de geste tout au long de la représentation et conditionnent le positionnement des acteurs face au hublot. Leur réalisme a réussi à plonger les enfants dans une illusion théâtrale la plus totale.

            Une illusion qui a probablement été permise grâce au budget conséquent de la Comédie Française pour les décors. Voir un spectacle de la Comédie française est souvent synonyme de qualité : en effet, le jeu des acteurs fait preuve d'une technicité précise et le décor relève d'un réalisme étonnant pour le théâtre. Cette qualité de la représentation laisse alors regretter une absence de fond philosophique ou politique qui aurait sûrement plût aux adultes. Faire un spectacle pour enfants ne signifie pas non plus créer une représentation vide de sens. Ainsi, l'adaptation des metteurs en scène aurait pu être plus poussée, notamment sur le plan de la signification des marionnettes et sur cet isolement latent dans le Nautilus. Le capitaine Némo représente en effet une figure de paria qu'il aurait été intéressant de traiter plus en profondeur. Sa véritable identité est expédiée dans un cadre très sombre, agrémenté d'une lumière rouge, à une vitesse lumière à la fin de la représentation. Peut-être aurait-il été bon de s'intéresser à cette figure de l'isolement et à sa relation avec les marionnettes, elle qui fut le pantin d'un destin cruel.

            Finalement, le spectacle de la Comédie française bénéficie d'une qualité de jeu et de décors qui font de lui un excellent divertissement, un émerveillement pour tous les âges qui permet aux adultes de se rappeler la douceur de leur enfance. 20 000 lieues sous les mers constitue donc une nostalgie du temps ou nous rêvions d'aventures et de voyager au centre de la Terre. Peut-être est-ce là le message de ce spectacle. Gardons une âme d'enfant.

Amandine Falbo