Une fête d'adieu ambiguë
La Despedida de Heidi
et Rolf Abderhalden
Le 27 juin 2017, les Forces Armées Révolutionnaires
de Colombie ont définitivement déposé les armes après des décennies de lutte.
Le pays ravagé doit donc se reconstruire. Comment ne pas oublier ce qu’il s'est
passé ? C'est la question que pose ce spectacle de la compagnie
colombienne Mapa Teatro, mis en scène par Heidi et Rolf Abderhalden. La
Despedida revient sur les traces des FARC à travers un
théâtre-documentaire.
Le résumé que fait le théâtre de la
Rose des vents semble clair et précis : l'intrigue se situe autour d'un
chaman colombien qui retourne dans son village anciennement occupé par les FARC
avec la volonté d'en faire un musée vivant. Pourtant, les tableaux s'enchaînent
sans que le spectateur ne comprenne réellement ce qu’il se passe. L'acteur
principal est un écran sur lequel on diffuse des documents vidéos et audios de
l'époque, si bien que l'on est plus au cinéma qu'au théâtre. Entre ellipses
excessives et flashbacks décousus, ce spectacle ne constitue pas un tout
cohérent et perd son spectateur. C'est une heure d'incompréhension malgré la
volonté de tendre l'oreille au message diffusé, si bien que l'on ne comprend
pas très bien le but de la représentation. Pour autant, tout était réuni pour
construire un spectacle poétique : les jeux de lumière, le décor végétal
de la jungle colombienne, le contraste entre vidéos et comédiens.
Ce spectacle constitue donc un
mélange de la chronologie, renversant les repères temporels. Face à la
pseudo-élection de Miss Colombie en tant que Miss Monde en 2015, Lénine, Mao,
le Che et bien d'autres leaders de révolution défilent sur scène. Ces figures
emblématiques de l'Histoire sont représentées sous forme de masques intégraux
que portent les comédiens. La révolution est donc bien le thème central du
spectacle, une révolution qui était l'objectif originel des FARC. Cet aspect de
l'organisation terroriste est particulièrement mis en valeur avec l'idée de
révolte populaire et de tragédie. Le problème réside en le fait que le
spectacle ne retient que cette facette là d'un groupe qui a mis la Colombie à
feu et à sang pendant des décennies. Et sur cela, la Despedida se tait.
Les FARC nous apparaissent presque comme sympathiques et nobles. Seul le début
du spectacle revient sur les prises d'otages, dont celle d'Ingrid Betancourt.
Mais aucune trace des enlèvements, des fusillades, du trafic de drogue. Et cela
est regrettable.
Entre une chronologie chamboulée et
des personnages communistes, La Despedida nous envoie un message ambigu.
Malgré l'objectif de leurs origines de donner une voix aux paysans colombiens,
les FARC ont dévié sur le terrorisme et le narcotrafic mais cette face obscure
n’apparaît pas dans le spectacle. Alors, il semblerait que les metteurs en
scène aient voulu montrer une fête d'adieu, comme l'indique le titre en
espagnol, au communisme romancé et à l'imaginaire de la révolte paysanne menée
par les FARC. Ainsi, avant de se tourner vers l'avenir, il semble important
pour les Colombiens de dire adieu au passé, dans une fête annonciatrice d'un
bonheur futur.
Amandine Falbo
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