Imbroglio d’Histoire et d’histoire

  Vous le savez probablement, l’information qui a tourné il y a peu, la news littéraire du mois de novembre : l’attribution du prix Goncourt 2017 à Eric Vuillard pour son récit, L’Ordre du Jour.


  Par le prix qui lui a été accordé et les ouï-dire de mes proches, je m’attendais à quelque chose de sublime, d’extraordinaire. J’ai l’impression d’être passée à côté de quelque chose.
  Ce récit historique raconte la montée en puissance de l’Allemagne nazie qui aboutit à l’invasion de l’Autriche. Mais ce fil directeur semble maintes fois abandonné, au profit de digressions sur des personnages historiques et d’événements futurs et passés au temps du récit. On se retrouve dans un tourbillon d’épisodes inédits qui s’imbriquent les uns aux autres et ne semblent à première vue ne pas avoir de rapport entre eux. La démonstration que nous fait Vuillard, car cela ressemble véritablement à une démonstration adressée directement à un lecteur interpelé, s’oriente vers la ruse nazie et son emprise sur toute l’industrie allemande et autrichienne qui persiste aujourd’hui (Allianz, Opel, Bayer pour n’en citer que quelques-uns). On ne peut contester son originalité dans la présentation des faits et toute l’investigation que cela a nécessité.

Au bout du compte, ce ne sont ni les panzers, ni les stukas, ni les orgues de Staline qui refont les choses et les remodèlent et les froissent. Non. C’est là-bas, dans cette Californie industrieuse, entre quelques boulevards au carré, à l’angle d’un donut et d’une pompe à essence, que la densité de nos existences adopte le ton des certitudes collectives.
(L’ordre du Jour, chapitre « Le magasin des accessoires »).


  Les passages en eux-mêmes sont intéressants. On trouve de belles réflexions, sur le cinéma notamment, ou sur l’impact des firmes autrichiennes et allemandes pendant la guerre. Néanmoins, ce récit parait bien plus littéraire qu’historique, ce que semble revendiquer l’auteur puisqu’il la qualifie au début du chapitre « Les Morts » d’« histoire ». La plume de l’auteur se fait tantôt ironique, tantôt familière, tantôt journalistique. C’est un patchwork que l’écrivain met en scène. Il fait même revivre des secrets d’histoire, tel un romancier dans la plus fictive des fictions. Frissons, sueurs froides, rien ne lui échappe. Cependant, ses phrases à rallonge ont eu tendance à perdre la préparationnaire fatiguée que je suis, et j’ai dû me prendre à deux fois pour comprendre le sens de plusieurs phrases, tant les digressions se font nombreuses et les descriptions prolixes. 

Gaëlle Sheehan

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